Césaire a été très brièvement au programme de lettres des terminales L (littéraires). En 1994, parmi la liste d’oeuvres à étudier figuraient le “Cahier d’un retour au pays natal” et le “Discours sur le colonialisme”.
Aimé Césaire, que tous les responsables politiques ont couvert de louanges lors de ses obsèques à Fort-de-France (Martinique), le 20 avril, sera-t-il un jour enseigné dans les lycées ? Le secrétaire d’Etat à l’outre-mer, Yves Jégo, doit rencontrer, début juin, Xavier Darcos, ministre de l’éducation nationale, pour examiner avec lui le moyen d’introduire dans les programmes du secondaire le poète de la négritude et pourfendeur du colonialisme. “C’est le plus bel hommage qu’on pourrait lui rendre“, déclare M. Jégo.
En réalité, Césaire a été très brièvement au programme de lettres des terminales L (littéraires). En 1994, parmi la liste d’oeuvres à étudier figuraient le Cahier d’un retour au pays natal et le Discours sur le colonialisme, les deux oeuvres les plus connues et les plus emblématiques de l’écrivain martiniquais. Ces textes auraient dû rester au programme pendant deux ans. Mais, dès l’année suivante, une note de service publiée au Bulletin officiel de l’éducation nationale du 27 juillet les faisait disparaître de la liste au profit des Yeux d’Elsa, d’Aragon.
Pour Odile Tobner, coauteur du livre Négrophobie (Les Arènes), il ne fait aucun doute que Césaire a été retiré pour des raisons idéologiques. Elle en veut pour preuve une intervention à l’Assemblée nationale, le 12 septembre 1994, du député (UDF) Alain Griotteray. Celui-ci s’étonnait qu’une “oeuvre aussi résolument politique (que le Discours sur le colonialisme), osant comparer nazisme et colonialisme, soit inscrite au programme de français des terminales“. Il trouvait cette idée “choquante et inacceptable”.
Interrogé par Le Canard enchaîné (du 13 septembre 1995) au sujet de la “disparition” des livres de Césaire, le ministre de l’éducation nationale de l’époque, François Bayrou, affirmait que ce n’était pas “les remous idéologiques” qui avaient motivé sa décision. Simplement, il jugeait Aragon “plus représentatif de la littérature française” que l’écrivain martiniquais…
Alain Boissinot, recteur de l’académie de Versailles, qui était en 1995 directeur des lycées et collèges et avait signé à ce titre la note de service, livre une troisième version des faits : “François Bayrou avait reçu de nombreuses protestations d’enseignants de terminale, qui trouvaient Césaire trop difficile, en raison d’une syntaxe déconcertante et de références culturelles peu accessibles aux élèves. Il avait souhaité qu’on modifie le programme et avait choisi Aragon précisément pour ne pas prêter le flanc à l’accusation de choix idéologique.”
M. Boissinot fait remarquer que les professeurs de français des classes de seconde et de première, pour lesquelles il n’existe pas de liste d’oeuvres, ont toujours la possibilité de faire étudier le poète martiniquais à leurs élèves. L’actuel ministre de l’éducation nationale, Xavier Darcos, se souvient sans doute de l’épisode de 1995 : il était alors directeur de cabinet de M. Bayrou.