Les autorités rivales en Libye ont annoncé séparément vendredi la cessation des hostilités et l’organisation prochaine d’élections dans le pays meurtri par des années de conflits, une initiative saluée par l’ONU et plusieurs pays arabes et occidentaux.
Ces annonces-surprises sont intervenues après plusieurs visites de responsables étrangers en Libye, pays qui dispose des réserves de pétrole les plus abondantes d’Afrique, et est devenu une plaque tournante du trafic de migrants vers l’Europe. Elles sont les dernières en date d’une série d’accords et d’engagements proclamés ces dernières années en vue de sortir le pays du chaos, mais restés lettres mortes. De plus, les nouvelles propositions des rivaux libyens ne sont pas identiques.
Depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi après une révolte populaire en 2011, la Libye est en proie à des luttes d’influence et aujourd’hui deux autorités se disputent le pouvoir : le Gouvernement d’union nationale (GNA) de Fayez al-Sarraj, basé à Tripoli (ouest) et reconnu par l’ONU, et un pouvoir incarné par Khalifa Haftar, homme fort de l’Est soutenu par une partie du Parlement élu et son président, Aguila Saleh.
Dans un communiqué, Fayez al-Sarraj, également chef du Conseil présidentiel, qui chapeaute le gouvernement, a appelé à la tenue d’« élections présidentielles et parlementaires en mars prochain […] ». Il a aussi « ordonné un cessez-le-feu immédiat et l’arrêt des opérations sur tout le territoire », ce qui permettra, selon lui, de créer des zones démilitarisées dans la région de Syrte (nord) et celle de Joufra, plus au sud, toutes deux sous contrôle des pro-Haftar.
Dans son communiqué, Aguila Saleh, qui dirige le premier Parlement élu en Libye depuis 2011 et est basé dans l’Est, a annoncé des élections, mais sans avancer de date, et a appelé « toutes les parties à un cessez-le-feu immédiat ». M. Saleh ne mentionne pas une démilitarisation de Syrte et Joufra. Il propose la formation, sans doute après des élections, d’un nouveau Conseil présidentiel qui serait basé à Syrte, ville natale de Mouammar Kadhafi puis bastion du groupe djihadiste État islamique jusqu’en 2016.
Dans leurs communiqués, MM. Sarraj et Saleh ont en outre jugé « nécessaire » la reprise de la production et des exportations dans les champs et terminaux pétroliers. Celles-ci sont bloquées depuis janvier par les pro-Haftar, qui contrôlent les sites pétroliers. Les autorités de l’Est réclament une répartition équitable des revenus pétroliers gérés par le GNA dans un pays qui dépend entièrement de la manne pétrolière pour son économie, très fragilisée.
La compagnie nationale de pétrole (NOC) a salué les annonces, mais appelé à ce que « toutes les installations pétrolières soient libérées de toute présence militaire », en vue d’une reprise des exportations.
Pour Jalel Harchaoui, chercheur à l’Institut Clingendael de La Haye, « selon toute vraisemblance, la mise en œuvre [des annonces libyennes] sera difficile ». Les ingérences étrangères ont alimenté le conflit en Libye, où le GNA est soutenu par la Turquie et le Qatar, et M. Haftar par l’Égypte, les Émirats arabes unis et la Russie.
Pour l’heure, les combats ont cessé, mais la libre circulation d’armes et de mercenaires continue, selon l’ONU. Malgré tout, la Mission d’appui de l’ONU en Libye (MANUL) a accueilli « chaleureusement l’entente » interlibyenne, appelantà « la reprise du processus politique ». Les Occidentaux craignent une poursuite du chaos en Libye, devenue, faute d’un pouvoir central structuré, une plaque tournante du trafic de migrants et un repaire pour des groupes djihadistes.
Source : Le Devoir