Annoncée par le Parlement fédéral, la Commission vérité et réconciliation vise à « faire la paix avec le passé colonial ». Or, la composition de son premier comité d’experts fait polémique, avant même avoir été annoncée.
Une liste de 20 experts circule depuis début juillet, membres potentiels d’une première mouture de la « Commission vérité et réconciliation » (CVR) annoncée en juin par le Parlement, dans la foulée des manifestations mondiales « Black Lives Matter ».
Ce premier comité doit rendre un rapport préliminaire le 15 septembre sur ce que doit être cette CVR, qui a repris une appellation sud-africaine pour un tout autre motif en Belgique : non pas chercher la réconciliation nationale, mais « faire la paix sur le passé colonial ». Réelle ou supposée, l’absence de « consensus » entre les historiens sur ce passé a longtemps servi de prétexte à la famille royale pour ne pas présenter d’excuses pour les exactions commises au nom de Léopold II au Congo belge. Un pas a cependant été franchi avec les « profonds regrets » du roi Philippe, exprimés le 30 juin.
Cette première liste, qui a fuité, et que se passent les militants et chercheurs intéressés par le sujet à Bruxelles, compte le même nombre de Belges que d’Africains ou afro-descendants, 8 femmes et 12 hommes, 8 néerlandophones et 12 francophones. Diversité assurée, sauf que tous sont des chercheurs sortis du chapeau des Archives de l’Etat et de l’AfricaMuseum – ancien Musée Royal d’Afrique centrale de Tervuren – qui n’a pas hésité à mettre ses propres chercheurs au devant de la scène. Et ce, au grand dam de ceux qui perçoivent ce musée, même rénové, comme un vestige de la colonisation et un objet central des réflexions à mener, compte tenu du débat en cours sur la restitution du patrimoine culturel africain.
Des historiens, mais pas de membres de la société civile
Parmi les invités figure Elikia M’Bokolo, historien enseignant à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS) à Paris, mais pas David Van Reybrouck, auteur du best-seller Congo, une histoire (Actes Sud, 2008), par exemple. Ce dernier a d’ailleurs posté sur sa page Facebook une vidéo en néerlandais sur la composition de la commission. Avec de petits papiers roses, il explique pourquoi il ne faut pas se contenter que des historiens, mais au contraire inclure des membres de la société civile et des personnes directement concernées par les répercussions du passé colonial.
Un autre historien belge célèbre, Ludo De Witte, auteur de L’assassinat de Lumumba (Karthala, 2000), ne figure pas non plus sur la liste. Ses révélations sur l’implication de la Belgique avaient motivé la formation d’une commission d’enquête au Parlement, qui n’a rien donné d’autre qu’une reconnaissance de la « responsabilité morale » du royaume belge dans la mort du père de l’Indépendance du Congo. La liste de Tervuren annonce-t-elle une Commission sans réelle envergure ? « Une manière belge de faire les choses sans les faire comme on l’a vu avec la commission sur Lumumba », fait remarquer un intellectuel rwandais.
Alors que le champ d’études porte sur le Congo belge, mais aussi le Rwanda et le Burundi, aucun Burundais n’est convié à apporter ses lumières. La politologue belgo-rwandaise Olivia Rutazibwa, l’une des chercheuses « nommées », n’a pas été consultée avant de figurer sur la liste, pas plus que l’écrivaine d’origine congolaise Nadia Nsayi, auteur de Dochter van de dekolonisatie (EPO, 2020), « La fille de la décolonisation » en néerlandais. Toutes deux se gardent de tout commentaire tant qu’aucune annonce officielle n’a été faite.
Source : rfi