Pourquoi la Chine va lancer une nouvelle compagnie aérienne malgré la crise du coronavirus

PASCAL PAVANI / AFP China Eastern Airlines va lancer une nouvelle compagnie chinoise spécialisé sur l'ile touristique chinoise de Hainan.

La deuxième plus grosse compagnie aérienne chinoise va en lancer une nouvelle, alors même que la pandémie a provoqué un effondrement mondial du nombre de passagers. Derrière le paradoxe, la stratégie est cohérente avec la relance de la consommation intérieure.

 Ce n’est pas une aventure improvisée. Pour lancer sa nouvelle compagnie aérienne, China Eastern Airlines a rassemblé des partenaires de poids. Parmi eux, Juneyao Airlines (Shanghai) et surtout Trip.com, le leader du voyage en ligne sur le marché chinois. Un projet centré sur l’une des destinations touristiques majeures en Chine : l’île de Hainan, surnommée « la petite Thaïlande », avec ses huit millions d’habitants et son statut de zone franche.

Les observateurs, qui s’interrogent sur le timing choisi pour ce nouveau projet, ne manquent pas, à l’heure où le secteur de l’aérien lutte pour sa survie, largement plombé par la pandémie de coronavirus.

Selon une annonce faite ce dimanche à la bourse de Hong Kong, China Eastern, fleuron étatique du secteur, possédera 51 % du capital de la nouvelle compagnie. Celle-ci s’appellera Sanya Internatinal Airlines, du nom de la ville de Hainan la plus prisée des touristes. La date du lancement n’a pas encore été officiellement fixée. Le projet nécessite encore le feu vert du régulateur chinois.

 Xi Jinping et la plus grande zone franche de Chine

L’objectif des actionnaires est simple : capitaliser sur l’importance grandissante de Hainan en Chine. L’île est 30 fois plus grande que le territoire de Hong Kong et s’affirme toujours plus comme une destination de vacances populaire pour les touristes chinois.

Cependant, il ne s’agit pas seulement d’une simple opération capitalistique. C’est aussi le symbole de la stratégie de Xi Jinping. Le président chinois veut faire de Hainan la plus grande zone franche du pays. Pékin a l’intention d’y baisser à 15 % l’impôt sur le revenu pour certaines catégories de personnes et d’entreprises, et d’assouplir les critères d’obtention du visa pour les touristes et les hommes d’affaires.

Secteur aérien mondial dans la tourmente

Le projet de lancement de Sanya Airlines intervient alors que le Covid-19 a cloué les avions au sol et forcé l’instauration de quarantaines strictes pour stopper la propagation du virus. Nombre de compagnies luttent pour la vie, comme Thai Airlines ou Virgin. Le secteur pourrait perdre plus de 84 milliards de dollars en 2020, selon l’Association internationale du transport aérien.

Le pari est donc loin d’être gagné selon Greg Waldron, directeur de la rédaction du magazine FlightGlobal interrogé par la BBC : « Le lancement officiel de la compagnie dépendra sans doute de la reprise du traffic aérien domestique en Chine et de la situation du Covid-19 à la fois dans le pays et dans la région. Cela prend du temps de construire une compagnie aérienne : il faut beaucoup de travail pour mettre en place les équipements et le personnel avant que le premier avion ne puisse décoller. »

Patriotisme touristique et duty-free

Mais pour Shaun Rein, fondateur du China Market Research Group, la période choisie pour lancer Sanya Airlines serait au contraire la bonne. « Même avant le Covid-19, 2020 était l’année du tourisme intérieur en Chine alors que les Chinois veulent se concentrer sur leur propre pays, particulièrement sur les destinations importantes comme Hainan, le Yunnan ou des destinations émergentes comme le Gansu », analyse-t-il pour la BBC. Selon Shaun Rein, la guerre commerciale sino-américaine a « fait émerger un patriotisme chez les citoyens chinois désireux de montrer à leurs enfants la grandeur de leur pays et de leur enseigner davantage sur le patrimoine national. »

Par ailleurs, les manifestations pro-démocratie toujours en cours à Hong Kong ont découragé un grand nombre de voyageurs de Chine continentale de visiter l’ancienne colonie britannique. « Hainan est très vue en ce moment, en particulier parce que le gouvernement y encourage le shopping en duty-free, fait remarquer l’analyste. Et puis l’île n’impose pas de quarantaine ni d’autres restrictions de voyage. »

 

  Source: rfi