A l’inverse des pays africains, le président Recep Tayyip Erdogan rejette toute option de recours au FMI pour une “question de souveraineté”.
Une position politique fondamentale que le niveau de la livre Turque, en baisse de 17% depuis le début de l’année, à 7,24 TRY contre 1 dollar USD, ne semble pas infléchir. Bien au contraire si l’on en croit à la ligne de conduite nationaliste du président Erdogan, un islamiste modéré qui fonde une partie de sa popularité sur la désignation d’un ennemi imaginaire qui revêt parfois les formes de l’Amérique (avec laquelle pourtant, via la FED, il est entrain de négocier un programme de swaps de devises) tantôt le contour de l’Otan dont son pays est membre privilégié même s’il a opté plutôt pour l’achat du système de défense antiaérienne russe S-400 plutôt qu’un outil de l’Oncle Sam.
“La Turquie a fermé le livre du FMI et il ne sera pas rouvert”, rappelait encore le leader du parti AKP il y a un mois. L’agence étatique Anadolu a accusé mercredi des institutions financières basées à Londres de procéder à des «manipulations» visant à affaiblir la livre turque. Vendredi, le pays a suspendu trois banques Occidentales (UBS, BNP et Citibank) de toute opération de change sur la monnaie du pays d’Attaturk.
En avril dernier, la directrice du FMI, Kristalina Georgieva, avait déclaré que le fonds avait “un engagement très constructif avec l’ensemble des membres, y compris avec la Turquie. Une annonce qui avait fait bondir la livre turque. En attendant, traders, raders et opérateurs de change ordinaires sont rivés sur le niveau de réserves du pays en dollars, un paramètre ayant la même importance que l’infanterie d’une armée à la veille de la guerre.
Les réserves brutes de devises du pays, y compris l’or, s’établissaient à 89,6 milliards de dollars début avril, après une baisse de 17 milliards de dollars depuis le début de l’année. Ces réserves, utilisées souvent par la Banque Centrale comme “combustible” pour maintenir la monnaie nationale à flot, sont à rapprocher des 172 milliards de dollars d’échéances à payer dans les 12 prochains mois. La baisse des taux et le lancement d’une opération de rachat des obligations par la Banque Centrale a finalement accéléré la chute de la monnaie d’Ankara.
Si la Turquie maintient à long terme son refus de taper au guichet du FMI, elle devrait certainement, à moins d’augmenter exponentiellement ses exportations ou de trouver d’autres bailleurs ne menaçant pas sa souveraineté, ni sa monnaie … faire défaut, ce qui pourrait conduire à des saisies sur ses actifs à l’étranger. Retourner vers le FMI équivaudrait pour le président Erdogan, élu en 2002 en tant que premier ministre dans un contexte de pays en quasi- déroute économique et financière mais sous assistance du fonds, à renier à ses chers principes. Cela vaut bien une livre.
La Turquie a officiellement enregistré près de 140 000 cas de nouveau coronavirus et plus de 3 800 décès, selon le dernier bilan officiel publié lundi 11 mai.
Source : Financial Afrik