Mort de Christophe, chanteur romantique et musicien rassembleur

BERTRAND GUAY/AFP Le chanteur Christophe sur la scène du Grand Rex à Paris, le 13 mars 2003.

Christophe, décédé jeudi 16 avril à l’âge de 74 ans, a connu plusieurs vies artistiques au cours de ses 50 ans de carrière. Chanteur de charme, popstar, compositeur, il venait de sortir deux albums de duos et allait commencer une série de concerts.

 Le chanteur et compositeur Christophe est décédé jeudi 16 avril « des suites d’un emphysème », une maladie pulmonaire, selon son épouse. Il avait été hospitalisé à Paris et admis en réanimation en raison d’une « insuffisance respiratoire » jeudi 26 mars au soir, avait expliqué Laurent Castanié, producteur de spectacles, dimanche 29 mars, confirmant une information du journal Le Parisien. Le 10 avril, son épouse avait indiqué à l’AFP qu’il était « hospitalisé en réanimation à Brest (…) intubé sous sédation profonde ».

Aline

Daniel Bevilacqua de son vrai nom était né le 13 octobre 1945 à Juvisy-sur-Orge (Essonne) dans une famille d’origine italienne, mais française depuis trois générations. Son père, installateur de chaudières et d’électroménager, et sa mère couturière lui font écouter Piaf et Bécaud, quand lui, comme nombre des enfants de l’après-guerre, est fasciné par le son venu des États-Unis, blues et rock, ainsi que par le cinéma américain.

Le jeune homme commence à chanter en amateur dès 1961, puis se lance en professionnel en 1963 avec un premier disque. Le succès ne sera pas long à venir, Christophe triomphant dès 1965 avec ce qui restera éternellement son plus gros tube, Aline. Cette ballade amoureuse à la sensibilité exacerbée est portée par un refrain facile à mémoriser : « Et j’ai crié, crié/Aline ! pour qu’elle revienne/Et j’ai pleuré, pleuré/Oh, j’avais trop de peine ». 

https://youtu.be/Vh60ARrBpYY

De chanteur yé-yé à popstar

La France entière danse le slow sur Aline dans les années 1960. Christophe triomphe à nouveau avec Les Marionnettes et devient une vedette yé-yé, un chanteur de charme au look romantique, avec ses cheveux blonds, ses lunettes teintées, sa voix légèrement cassée. Flambeur, collectionnant les grosses voitures (et les excès de vitesse jusqu’au retrait de son permis de conduire), il forme un couple en vue avec la chanteuse Michelle Torr dont il aura un fils non reconnu en 1967. Il se marie ensuite avec Véronique Kan en 1971 et le couple aura une fille, Lucie, la même année.

Les années 1970 sont celles des popstars et Christophe prend ce tournant avec l’époque. Sous la houlette du producteur Francis Dreyfus, il s’associe avec le jeune Jean-Michel Jarre. Leur duo, Christophe composant la musique et Jarre écrivant les paroles, sortira deux albums fameux, Les paradis perdus en 1973 et Les mots bleus, dont le titre éponyme sera le grand succès de 1974. Une chanson d’amour à nouveau au tempo délicat, interprétée par le dandy devenu moustachu et resté romantique. Mais déjà capable d’une certaine loufoquerie en chansons dont témoigne le hit farfelu Señorita.

Christophe signe en 1978 l’album qui lui vaudra son surnom, Le beau bizarre, un succès critique mais pas commercial. Après son intense popularité des années 1960 et 70, l’artiste passe un peu de mode et connaît des trous d’airs. Toujours cinéphile, mélomane et collectionneur, il compose pour d’autres, dont la chanson Boule de Flipper pour Corynne Charby en 1986.

https://youtu.be/7K7KettmHR0

Ballades électro pop

Il participe à de nombreux projets scéniques et au fil de ses duos avec Alain Bashung, Brigitte Fontaine, ou plus tard Julien Doré ou Louane, Christophe devient un musicien rassembleur incontournable de la scène pop française. Son amour du cinéma lui a fait signer cinq musiques de films, de la BO de La route de Salina (George Lautner, 1967) à celle de Jeanne de Bruno Dumont, long métrage dans lequel il joue en 2019.

Son retour en force, Christophe le réalise en 2016 avec Les vestiges du chaos, son treizième album. Il réunit Jean-Michel Jarre, le vétéran Alan Vega du groupe punk Suicide, le parolier Boris Bergman, l’auteure-interprète Laurie Darmon, la comédienne Anna Mouglalis… Lyrique, Christophe chante de sa voix élégamment froissée des ballades électro pop sculptées au synthétiseur, revendiquant son look et sa voix de vétéran… « Les vestiges, c’est toute la poussière que je traîne », expliquait-il.

Revenu dans l’air du temps, auréolé d’un nouveau prestige, celui du vieux sage, il sort en 2019 les albums Christophe, etc volumes 1 et 2, où il reprend ses standards avec des interprètes de toutes générations, Étienne Daho, Camille, Sébastien Tellier, Arno, Laetitia Casta, Philippe Katerine, Jeanne Added…

https://youtu.be/Q_D4ZChfVNI

« J’ai la résonance même si je suis autodidacte, confiait-il en novembre 2019 au quotidien suisse Le Temps. J’ai encore envie d’attraper un truc, un son pour le bichonner, pour le travailler. Je n’aime pas me servir des trucs tous faits. J’essaie de créer un espace que je n’ai pas encore visité jusque-là. J’y passe mes nuits ». Christophe devait se produire les 29 et 30 avril 2020 au Grand Rex à Paris, deux dates qui venaient d’être reportées aux 28 et 29 septembre. Jusqu’à son hospitalisation, ce musicien infatigable travaillait également, la nuit, à un nouvel album.

 

    Source : La Croix